Une brève histoire de l'humanité
J'ai récemment terminé de lire cette brique [que je vous recommande d'ailleurs !], et dont je vous livre ici les quelques passages qui m'ont marqués :
" Depuis la Révolution cognitive (entre 70.000 et 30.000 ans), les Sapiens ont vécu dans une double réalité. D’un côté, la réalité objective des rivières, des arbres et des lions ; de l’autre, la réalité imaginaire des dieux, des nations et des sociétés. Au fil du temps, la réalité imaginaire est devenue toujours plus puissante, au point que de nos jours la survie même des rivières, des arbres et des lions dépend de la grâce des entités imaginaires comme le Dieu Tout-Puissant, les États-Unis ou Google. "
" Une des lois d’airain de l’histoire est que les produits de luxe deviennent des nécessités et engendrent de nouvelles obligations. Dès lors que les gens sont habitués à un certain luxe, ils le tiennent pour acquis. Puis se mettent à compter dessus. Et ils finissent par ne plus pouvoir s’en passer. Prenons un exemple familier de notre temps. Au fil des dernières décennies, nous avons inventé d’innombrables moyens de gagner du temps qui sont censés nous faciliter la vie : machines à laver, aspirateurs, lave-vaisselle, téléphones, iPhone, ordinateurs, e-mail. Auparavant, écrire une lettre, indiquer l’adresse, la timbrer et la porter à la boîte était un gros travail. Il fallait des jours ou des semaines, voire des mois, pour recevoir une réponse. Désormais, je peux rédiger en quatrième vitesse un mail qui va faire un demi-tour du monde et, si mon destinataire est en ligne, recevoir une réponse une minute après. Autant de soucis épargnés et de temps gagné, mais ma vie est-elle plus détendue ? Hélas, non. À l’époque du courrier postal escargot, on n’écrivait que si l’on avait des choses importantes à dire. Au lieu d’écrire la première chose qui vous passait par la tête, vous preniez le temps de réfléchir à ce que vous alliez dire et à la manière de le formuler. Et on s’attendait à avoir une réponse tout aussi mûrement réfléchie. La plupart des gens n’écrivaient et ne recevaient pas plus d’une poignée de lettres par mois et se sentaient rarement obligés d’y répondre rapidement. Maintenant, je reçois des dizaines de mails tous les jours, chaque fois de gens qui attendent une réponse rapide. Nous imaginions gagner du temps, au lieu de quoi la routine de la vie s’est emballée : tout va dix fois plus vite qu’avant et rend nos journées angoissées et agitées. "
" La Révolution agricole est l’un des événements les plus controversés de l’histoire. Certains de ses partisans proclament qu’elle a engagé l’humanité sur la voie de la prospérité et du progrès. D’autres soutiennent qu’elle est la voie de la perdition. C’est à ce tournant, selon eux, que Sapiens s’arracha à sa symbiose intime avec la nature pour sprinter vers la cupidité et l’aliénation. Où qu’elle menât, c’était une voie sans retour. L’agriculture permit aux populations une croissance si forte et si rapide qu’aucune société complexe ne pourrait plus jamais subvenir à ses besoins en revenant à la chasse et à la cueillette. Autour de 10.000 ans avant notre ère, avant la transition agricole, la terre hébergeait de 5 à 8 millions de fourrageurs nomades. Au Ier siècle avant notre ère, il ne restait que 1 à 2 millions de fourrageurs (essentiellement en Australie, en Amérique et en Afrique), mais ils ne pesaient plus rien en comparaison des 250 millions de cultivateurs du monde.
L’immense majorité d’entre eux vivaient dans des implantations permanentes ; une poignée seulement était des pasteurs nomades. Se fixer réduisit de manière spectaculaire le terrain de la plupart. Les anciens chasseurs-cueilleurs vivaient habituellement dans des territoires couvrant plusieurs dizaines, voire des centaines de kilomètres carrés. Le «foyer» était la totalité du territoire, avec ses collines, ses ruisseaux, ses bois et le ciel. Les cultivateurs, en revanche, passaient le plus clair de leurs journées à travailler un petit champ ou un verger, et leur vie domestique tournait autour d’une construction encombrée de bois, de pierre ou de boue d’à peine quelques dizaines de mètres : la maison. Le cultivateur typique se prenait d’un attachement très fort à cette structure. Ce fut une révolution de très grande portée, dont l’impact fut autant psychologique qu’architectural. Dès lors, l’attachement à «sa maison» et la séparation d’avec les voisins devint la marque psychologique d’une créature bien plus égocentrique. Les nouveaux territoires agricoles n’étaient pas seulement beaucoup plus petits que ceux des anciens fourrageurs, mais aussi beaucoup plus artificiels. Hormis l’usage du feu, les chasseurs-cueilleurs apportaient peu de changements délibérés aux terres dans lesquelles ils évoluaient. Les cultivateurs, en revanche, vivaient sur des îles humaines artificielles qu’ils s’employaient à détacher de leur environnement sauvage. Ils abattirent des forêts, creusèrent des canaux, défrichèrent des champs, bâtirent des maisons, retournèrent la terre et plantèrent des arbres fruitiers en rangées bien soignées. L’habitat artificiel qui en résulta était destiné uniquement aux hommes ainsi qu’à «leurs» plantes et à «leurs» animaux et était souvent protégé par des murs ou des haies. Les familles de cultivateurs firent leur possible pour tenir à l’écart herbes folles et animaux sauvages. Les intrus étaient chassés. S’ils s’obstinaient, leurs adversaires humains cherchaient les moyens de les exterminer. Des défenses particulièrement robustes étaient érigées autour du foyer : la maison. Depuis l’aube de l’agriculture jusqu’à aujourd’hui, des milliards d’êtres humains armés de branches, de tapettes, de chaussures ou d’insecticides ont mené une guerre sans merci aux fourmis diligentes, aux cafards furtifs, aux araignées aventureuses et aux scarabées égarés qui ne cessent de s’infiltrer dans leurs domiciles. "
" Comprendre l’histoire humaine dans les millénaires qui suivirent la Révolution agricole revient à répondre à une seule question : comment les hommes se sont-ils organisés en réseaux de coopération de masse, alors que leur manquaient les instincts biologiques nécessaires pour entretenir de tels réseaux ? La réponse courte est qu’ils créèrent des ordres imaginaires et inventèrent des écritures. Ces deux inventions comblèrent les vides laissés par notre héritage biologique. Pour beaucoup, cependant, l’apparition de ces réseaux fut une bénédiction douteuse. Les ordres imaginaires qui supportaient ces réseaux n’étaient ni neutres ni justes. Ils divisèrent les gens en semblants de groupes hiérarchiquement organisés. Aux couches supérieures, les privilèges et le pouvoir, tandis que les couches inférieures souffraient de discrimination et d’oppression. "
" La figure centrale du bouddhisme n’est pas un dieu, mais un homme, Siddhârta Gautama. Selon la tradition bouddhiste, Gautama était l’héritier d’un petit royaume himalayen, vers 500 avant notre ère. Le jeune prince fut terriblement affecté par la souffrance qu’il voyait autour de lui. Il vit que les hommes et les femmes, les enfants et les vieillards souffraient tous de calamités occasionnelles comme la guerre et la peste, mais aussi d’angoisse, de frustration et d’insatisfaction - lesquelles paraissaient toutes inséparables de la condition humaine. Les gens poursuivent richesse et pouvoir, acquièrent connaissances et possessions, engendrent fils et filles, bâtissent maisons et palais. Quoi qu’ils réalisent, pourtant, ils ne sont jamais contents. Ceux qui vivent dans la pauvreté rêvent de richesses. Qui a un million en veut deux. Qui en a deux en voudrait dix. Même les gens riches et célèbres ne sont jamais satisfaits. Tracas et inquiétudes ne cessent de les hanter eux aussi, jusqu’à ce que la maladie, le grand âge ou la mort mette fin à l’aventure. Tout ce que l’on a accumulé s’évapore comme simple fumée. La vie est une course folle qui ne rime à rien. Mais comment s’y soustraire ? À vingt-neuf ans, Gautama s’éclipsa de son palais au cœur de la nuit, laissant derrière lui sa famille et ses biens. Tel un vagabond sans toit, il sillonna le nord de l’Inde, en quête d’un moyen d’échapper à la souffrance. Il visita des ashrams, s’assit au pied de gourous, mais rien ne le libéra entièrement : il demeurait toujours un fond d’insatisfaction. Il ne céda pas au désespoir. Il résolut d’étudier la souffrance par lui-même jusqu’à trouver une méthode de complète libération. Il passa six années à méditer sur l’essence, les causes et les remèdes de l’angoisse humaine. Et il finit par comprendre que la souffrance n’a point pour causes l’infortune, l’injustice sociale ou les caprices divins, mais les formes de conduite inscrites dans l’esprit de chacun. L’intuition de Gautama est que, à toute expérience, l’esprit réagit par le désir, et que celui-ci implique toujours l’insatisfaction. En cas d’expérience désagréable, l’esprit cherche à se défaire de la source d’irritation. Si l’esprit fait une expérience agréable, il meurt d’envie que le plaisir demeure et s’intensifie. L’esprit est donc toujours insatisfait et ne connaît pas le repos.
Gautama s’aperçut qu’il existait un moyen de sortir de ce cercle vicieux. Si, quand l’esprit fait une expérience plaisante ou déplaisante, il comprend simplement les choses telles qu’elles sont, il n’y a pas de souffrance. Si l’on fait l’expérience de la tristesse sans désirer qu’elle s’en aille, on continue d’éprouver la tristesse, sans en souffrir. Il peut y avoir une réelle richesse dans la tristesse. Si l’on connaît la joie sans désirer qu’elle perdure et s’intensifie, on continue de la ressentir sans perdre sa tranquillité d’esprit. Mais comment amener l’esprit à accepter les choses telles qu’elles sont, sans ce désir insatiable ? À accepter la tristesse comme tristesse, la joie comme joie, la douleur comme douleur ? Gautama élabora une panoplie de techniques de méditation qui exercent l’esprit à expérimenter la réalité telle qu’elle est, sans désir ardent. Ces pratiques exercent l’esprit à focaliser son attention sur la question «Qu’est-ce que je vis ?» plutôt que «Que voudrais-je vivre ?». Il est difficile d’atteindre cet état d’esprit, mais pas impossible. "

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Merci Gilles, cela rejoint un peu mes lectures du moment. Je lis pas mal sur le minimalisme, qui s'applique non pas qu'au matériel (même si c'est le plus simple à appliquer en premier lieu) mais également à l'ensemble de sa vie.
Le minimalisme m'apprend que le bonheur est aujourd'hui, et que je dois vivre l'instant présent.
Que ce n'est pas parce que demain quand j'aurai ceci, cela (enfant, maison, mari blabla ou mettez ce que vous voulez dans cette bulle) que je serai enfin heureuse.
Le bonheur est en moi et se travaille. Et le bonheur est aujourd'hui.
Cette manière de penser m'aider à lâcher prise.
Je pensais que plus tard (quand?), enfin un jour quoi, j'arriverai à mieux respirer, à être plus en phase. Je pensais qu'un événement extérieur m'apporterait cela.
Je ne sais pas ce que j'attendais.
Mais en attendant, j'ai acheté. Beaucoup. Plein de choses. Ça forme une sorte de tas chez moi et dans mon esprit. On remplit sa vie d'objets, de vêtements, de meubles, de décorations, de ci et de cela. On consomme.
On travaille plus dur, on arrête pas. On pense qu'il faut gagner plus. On achète sans en avoir les "moyens": on fait des prêts, comme tout le monde, car on veut la même chose que tout le monde. Faut ensuite évidemment continuer à travailler pour ce prêt.
Car si on ne gagne pas plus, on aura jamais cette maison et les enfants, enfin tout ce qu'on est "censé faire". Du coup on ne respire plus, c'est un cercle vicieux. Et ca compare sa carrière, et ca compare son salaire... Et c'est la course à la performance, à la vie.
On poste ses exploits sur facebook, on passe son temps sur pinterest où tout semble si parfait... et on essaie d'atteindre cet idéal.
Bref j'ai saturé.
Et je regarde aujourd'hui des gens vivre dans ce qu'on appelle des tiny house. Des gens qui ne veulent plus être dans cette course folle, mais juste vivre. Car dans cette course folle, on est trop fatigué pour même arriver à ressentir ses émotions du moment.
La méditation n'est pas LA solution mais une, en effet. Car elle nous oblige à nous arrêter. Et c'est difficile en effet, lastminute. mais si tu le désires, tu peux me rejoindre dans mes activités à ce sujet, où l'on apprend à le faire.