Belgian pride
L'an dernier, je m'étais rendue à la "Belgian pride". J'étais vraiment perplexe : j'y avais vu un mix entre un salon de l'érotisme et une grande fiesta où l'on boit, danse et parfois même baise dans tous les coins.
Cette année, j'ai lu que le thème concernait les réfugiés et les persécutés à cause de leur orientation sexuelle. J'ai eu l'impression qu'il y avait un vrai sujet, des valeurs à défendre. Je devais prendre le train vers 18h, alors j'y suis allée plus tôt, par curiosité, pour voir si c'était mieux.
Je suis passée par le village. Je n'aime pas trop les foules compactes... J'aime la foule, mais il faut que je puisse protéger "ma bulle", et là, il y avait vraiment trop de monde, des allées trop étroites, et donc je n'y suis pas restée longtemps. De toute façon, la musique était trop forte et les boumboum résonnaient désagréablement dans ma poitrine, les stands vendaient plein de trucs multicolores que je n'avais pas l'intention d'acheter, donc ma présence au village n'avait pas de sens et pas d'intérêt.
Ce village, j'ai eu l'impression qu'il était réservé aux LGBT... en quête d'aide, de liens sociaux, ou aux amoureux de la musique de boites.
Passée par la rue des food trucks (quel choc : Lunch Garden a un food truck ! Sérieux ?! lol), je suis arrivée à l'endroit où se terminait la parade. J'ai sans problème pu m'installer dans un coin discret où je pouvais la suivre tranquillement (toujours ma "bulle" à protéger ;-) ).
Perplexité.
La parade, ce n'est pas un carnaval. Il y a bien quelques déguisés, j'ai vu des licornes et des anges par exemple, mais je ne sais pas pourquoi ils étaient habillés ainsi, et ils ne faisaient rien de plus que marcher. Pas de danse, de mise en scène, de revendications particulières, de distribution de bonbons, de lancer de confettis, ...
Donc, la parade, ce n'est pas un carnaval.
La parade, ce n'est pas un défilé de chars. Il y a bien quelques véhicules customisés, mais ils ne sont pas beaux, ne présentent pour la plupart pas de message particulier, ils font surtout passer de la musique à fond pour enthousiasmer les foules. Même le char "mister Belgium" ne m'a pas semblé particulièrement bien pensé, même s'il sortait un peu du lot.
Donc, la parade, ce n'est pas un défilé de chars.
La parade, ce n'est pas une manifestation. Il y a bien des groupes qui portent des panneaux, malheureusement la plupart trop peu visibles. Finalement, le seul qui aura marqué mon esprit, c'est celui faisant référence à la Bible (et son "Jésus aussi avait deux papas"). Les revendications ne sont pas toujours claires, certaines sont en anglais et j'y comprends rien. La distribution de capotes, dans un tel évènement, était plutôt positive. J'ai aussi vu défiler quelques groupes de migrants, enfin un truc dans le thème.
Bon, la parade, ce n'est pas une manifestation, mais disons qu'il y a quelques revendications, à ce niveau, c'était mieux que l'an dernier.
La parade, c'est quoi alors ?
À un moment, j'ai vraiment eu l'impression d'être au cirque, vous savez, ces vieux cirques où l'on présentait des "monstres", des gens aux handicaps divers, au regard amusé ou horrifié de la foule.
Moi, à un moment, cette parade m'a mise mal à l'aise...
Parce qu'entre deux groupes plus ou moins structurés, présentant un message relativement clair, défilent simplement des gens. Des LGBT... de tous genres, ainsi que des couples hétéros, qui se travestissent, s'embrassent goulument pour les photographes, se caressent plus que de raison, pour amuser la foule, la choquer, l'intéresser, l'émoustiller peut-être. Attention, mon propos n'est pas de dire qu'ils n'ont pas le droit de faire toutes ces choses. C'est l'aspect "exhibition" qui m'a perturbée.
Moi, spectatrice, j'observais la foule se déplacer et je me suis rendu compte que ce que je regardais avec curiosité, c'était juste des gens qui venaient se montrer parce qu'ils sont ce qu'ils sont... Je me suis sentie voyeuse. Ces gens ont le droit de vivre comme ils le veulent, au quotidien, ils ne me choquent pas, ne me dérangent pas, que du contraire, je ne porte aucun jugement sur leur orientation sexuelle, mais là, dans cette foule, à être juste occupée à les observer, je me suis sentie vraiment mal à l'aise. Parce que tout à coup, j'ai eu l'impression d'observer ces gens comme des bêtes de cirque, d'être au zoo... Et que mon rôle, là, ne correspondait en rien à mes valeurs.
Alors si j'ai ressenti ça, c'est que le but-même de la parade est complètement raté, non ?!
De plus, à juste les observer, cela a donné libre cours à des pensées parasites désagréables...
Explications...
Je suis quelqu'un de très ouvert, très tolérant, "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", chez chacun il y a du positif, on doit être libre de vivre comme on veut tant qu'on n'entache pas la liberté d'autrui, etc. Et par conséquent, je n'ai pas d'a priori sur les personnes homosexuelles, etc.
Mais j'ai entendu toute mon enfance, mon adolescence, et actuellement encore, des tas de "phrases assassines". Celles qu'on prononce sur le ton de la rigolade, des messages racistes ou homophobes par exemple. Des messages mesquins, empreints de peur ou de dégout par rapport à ce qu'on ne connait pas, des messages dits de façon innocente mais qui portent de multiples préjugés.
Et là, dans la foule des "voyeurs" de la parade, ces pensées devenaient mes propres questionnements, mes propres observations : "Mais pourquoi toutes les lesbiennes ont-elle le look garçon ?" "Oh, une grande folle." "Celui-là, il porte son homosexualité sur son visage." "Dis donc, ce sont tous des obsédés !" "Purée, les homos, c'est vraiment du gâchis, ils sont si beaux !"...
C'est quand je me suis rendu compte que ces pensées "quasi innocentes" traversaient mon esprit que j'ai aussi compris l'aspect "voyeur" et "cirque aux monstres" de la parade.
Loin de rendre l'homosexualité anodine, j'ai vraiment eu le sentiment qu'une telle parade de "gens" rappelle plutôt aux spectateurs ce qui leur a un jour fait peur, ce qui les a dérangés, elle ravive ces "messages assassins" que leur raison a pourtant aidé à chasser, que le temps avait pourtant effacés et qu'ils étaient pourtant convaincus de ne plus porter en eux...
La tolérance est un combat de tous les instants.
Car je ne suis surement pas un cas isolé.
Qui n'a jamais entendu prononcer l'une de ces phrases assassines par l'un ou l'autre de ses proches ?
"Si tu es homo, c'est pas grave, mais j'aimerais mieux que tu sois hétéro."
"Tu peux ramener tout ce que tu veux à la maison, même une fille, même un noir, mais pas un musulman !"
"Je n'ai rien contre les arabes, mais il faut bien avouer que ce sont souvent des délinquants."
"Je déteste ce type, c'est une vraie tapette."
...
Je m'estime réellement ouverte. Positive. Je prône réellement la liberté.
Mais je porte en moi ces messages et c'est ce que la parade m'a rappelé, avec effroi.
Ne pas les transmettre sans s'en rendre compte, parce que ces "phrases assassines" ne reflètent en rien ma propre pensée et mes valeurs, ne pas les transmettre par inadvertance, c'est un combat qu'il faut mener !
Finalement, c'est ça que moi, je retiens de cette parade.
Quant au but final, réel, et à l'impact positif que la "Belgian pride" peut avoir, telle qu'elle a eu lieu, vu tout ce que je vous explique ci-dessus, je ne comprends pas et je n'adhère pas.
Mais j'y retournerai l'an prochain. En espérant que ce sera différent. Et en espérant que mes pensées seront, elles aussi, différentes. Et aussi parce que je suis convaincue qu'il est indispensable de laisser une tribune à la différence, que trop d'atrocités sont encore commises dans le monde contre les LGBT... et qu'il est donc utile de rappeler au monde que cela existe, que c'est naturel, et que l'orientation sexuelle ne fait pas des gens des anormaux ou des inadaptés à tabasser, persécuter, moquer, rejeter !
Voilà voilà... J'avais juste envie de partager avec vous ces quelques constatations.


Magnifique texte, il mériterait d'être publié !